Catégorie La Toile Antique

Aug. 18, 2024, 5:50 p.m.

LHA | Jour 1 - Recrutement

Un mois s’est écoulé depuis que j’ai reçu l'autorisation de la section exploratoire de la Chaire d'Archéologie. J’en ai profité pour embaucher d’anciens compatriotes pour me suivre, notamment Exarine qui a bataillé pour que ma demande aboutisse. Je me demande ce qu’elle a pu dire pour les convaincre alors que ça semblait mal engagé.
Malgré la perte d’intérêt générale pour ces ruines lointaines, j'ai réussi à convaincre trois individus. Ils ne partagent pas forcément ma passion pour la contemplation et les lieux désolés, mais possèdent une forme de curiosité historique ou humaine je suppose, qui les pousse à m'accorder un temps leur confiance.

Ils prendront le relai de la rédaction de ce rapport lors d'événements dépassant mon champ de compétence ou dans le cas où je serais dans l'incapacité de le tenir à jour. Peu importe le messager, il faut que l'information transite.

Parmi eux, il me faut tout d'abord présenter Exarine dont je viens de parler. Experte en socio-systèmes, elle s'est attachée depuis longtemps à dégager les lois qui régissent les relations sociales et comportements collectifs. Une fascination qu’elle a depuis l’adolescence et qu’elle n’hésite pas mettre à profit quand nécessaire.

Ensuite vient Décun, spécialisé dans l'étude des glyphes et symboles indéchiffrables, qui sera sans doute indispensable dans des coins aussi lointains. Il a accepté de lâcher son pinceau de calligraphie pour nous apporter ses lumières à ma mission, la situation est donc réellement exceptionnelle...

Et enfin l'élément indispensable de notre équipée, celui que l'on nomme l'Annulaire, faute de savoir s’il a un vrai nom. Il est particulièrement laconique, mais les bribes de discussions ne semblent pas dégager un attrait pour les concepts abstraits. Je suppose qu'il a préféré développer des talents à l'utilité plus immédiate, et c’est bien pour ça qu’il nous sera indispensable.

Jusque là, je ne connais bien qu'Exarine, nous avons déjà effectué deux missions ensemble dans la première couronne.

L'emplacement était choisi par nos supérieurs, l'intérêt n'était pas de faire une découverte révolutionnaire mais de nous faire la main en milieu connu.

Nous avons tissé des liens à cette époque, nos deux disciplines n'étant pas vraiment complémentaires mais nous trouvions des passerelles pour nous aider mutuellement. L’objet d’étude était la méga-structure déblayée à côté de l'entrée de la première couronne, bâtiment que la nomenclature contemporaine appelle le Colosse Fourmillant mais que nous avions affectueusement renommé le Grand Mité.

J'avais pu dès cette époque déceler le talent d'Exarine dans sa matière : elle parvenait à déceler des connexion entre éléments, la logique sociale dissimulée dans l'agencement des objets et des lieux. Un rien lui permettait de comprendre le statut des interlocuteurs et le fonctionnement de leurs échanges.

De son côté elle avait appris à apprécier mon don pour la reconstitution des éléments à différentes échelles, et elle trouvait amusante mon exaspération permanente quand je voyais à quel point les archéologues précédents avaient abîmé l'endroit.

Non pas qu'elle y soit totalement insensible, ce sabotage ralentissait également ses recherches, mais le fait que je m'emporte à chaque fois en nommant mes collègues d'après des qualificatifs peu affectueux la rendait hilare. Et avec le recul, c’est vrai qu’il valait mieux rire du côté dérisoire de notre entreprise que de s'en attrister.

Elle a accepté sans hésiter de se joindre à moi dans une mission d'exploration même éloignée. Je pense même que c'est cette distance qui l'a attirée dans l'affaire. Elle voulait sans doute voir si elle parvenait à utiliser ses compétences dans un cadre beaucoup plus dépouillé.

Pour ce qui est de Décun, j'avais lu plusieurs de ses bouquins et l'avais trouvé particulièrement intéressant et novateur. Il était passionné et cela se sentait dans ses conférences. Il aimait à dire que la connaissance ne se situe pas juste dans le message exhumé mais aussi dans les circonstances qui ont amené à se rédaction. Venant d'un individu étudiant les écrits, cette prise de recul par rapport à son travail m'a tout de suite plu.

Je suis entré en contact avec lui juste après la réponse positive d’Exarine et il a accepté de se joindre à nous après quelques temps à discuter de la viabilité de la mission et de l'importance qu'il avait dans ce cadre.

J'ai l’impression que c'est un nostalgique comme moi qui trouve que la seconde couronne n'a pas été assez exploitée et qu'elle regorge de secrets à percer et de textes antiques à interpréter.

C'est lui qui m'a fourni le contact de l'Annulaire : il avait déjà fait appel à ses services dans une mission consistant à accéder à une forteresse abandonnée mais dangereuse.

Il avait été satisfait des services du survivaliste malgré la difficulté à comprendre ses intentions. Ils s'entendaient plutôt bien et l'Annulaire semblait apprécier le côté taciturne et indépendant de Décun qui le laissait prendre ses décision et lui faisait confiance dans les situations de danger.

J'ai envoyé un courrier à l'Annulaire pour lui faire part de mon besoin de ses compétences dans le cadre de mes recherches. Il n'a pas répondu à la première demande, j'ai dû aller le trouver directement pour lui reposer la question. Il a accepté sans hésitation, vraisemblablement pas un adepte de la conversation écrite.

Je n'ai même pas eu besoin de lui indiquer le détail de la mission ni le temps que nous mettrions sur place, il avait l'air disponible peu importe les conditions. Je suis sûr qu'il aurait même accepté une mission mortellement dangereuse en zone volcanique, il aurait à peine cillé et demandé simplement si la quantité de nourriture serait suffisante pour un bivouac d'une semaine.

Il faut reconnaître que les zones à explorer désertées par nos congénères depuis longtemps regorgent de risques amorphes comme animés, malfaisants ou naïvement dangereux. Il ne viendrait à l'idée de personne de partir sans un solide bagage en survie, et l'Annulaire a fait ses preuves dans le domaine.

Pour bien faire, j’aurais du intégrer un vrai historien pour pallier nos insuffisances culturelles. Malheureusement les fonds mis à notre disposition ne nous permettaient pas de disposer de suffisamment de ressources pour cinq sans compter que les historiens du centre ne m'ont pas vraiment à la bonne. Ils me trouvent misanthrope alors que j’apprécie une partie de ce qui caractérise notre espèce. Je suis juste un peu plus sensible que la moyenne à ses penchants négatifs. J'admets être animé par les même mécanismes mais souvent l’absence de logique de mes contemporains me dépasse.

En revanche, je voue une fascination à la limite de l'obsession pour le Passé. Les zones désertées contenant la trace d'une forme d'activité à une époque, mais désormais vides.

Exarine me répond souvent que les traces de vie antérieure que je cherche à déterrer de la chape poussiéreuse de l'oubli sont la signature d'anciens dont le comportement n'est pas très différente de ce que l'on peut observer à l'heure actuelle.

Je sais bien qu'elle a raison mais le fait de passer longtemps après eux est un moyen simple et peu coûteux de se détacher de mon environnement. Je me dis que peut-être que je pourrai comprendre mes contemporains en exhumant du sol de leurs ancêtres un fil conducteur expliquant leurs vices et leurs faiblesses.

Il me tarde d’y être, face à ces grandes étendues abandonnées, retournées à l'état sauvage. Cette vision me procure toujours un subtil mélange de sensations douces-amères, une sorte de nostalgie indéfinissable puisqu'elle ne s'appuie pas sur mon propre passé. Dans le désert, j'ai l'impression de ressentir la vie de ceux qui sont passés là au fil du temps.

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