Aug. 18, 2024, 5:28 p.m.

LHA | Préambule

Je m'appelle Eptasien, archéologue certifié de la Chaire Officielle depuis presque dix ans, spécialisé dans l’Érosion et la Restauration.

J'entame ce journal pour tenter une bonne fois pour toutes de résoudre une question qui trotte dans ma tête depuis toujours – et je suis sûr qu'elle taraude pas mal de mes contemporains. Nous voulons comprendre comment nous avons pu en arriver là : quatre cent individus perdus au milieu d'une étendue immense et désolée, encerclés par le désert muet et les ruines enfouies.

On se rend compte en regardant autour de nous qu'un nombre incalculable de personnes est passé là avant nous, leurs traces sont partout, elles hantent le moindre espace occupé comme abandonné. Alors pourquoi sommes nous si peu nombreux ? Quel cataclysme a pu ravager la Toile ? Il nous reste quelques témoignages historiques, tout n'a pas disparu. Des témoignages de cet Âge d'Or où fleurissaient tous types de sites monumentaux, où notre espèce a généré tant de merveilles et d'échanges. Des bribes d'explication ont été trouvées, trop lacunaires hélas.

Parmi les informations certaines sur notre histoire millénaire, la principale est que le terme de Toile était déjà présent dès les tout premiers documents exhumés. Ces reliques inestimables évoquent le caractère essentiel des interconnexions entre lieux. Nul endroit ne pouvait subsister isolé. Un nombre incalculable de sentiers, routes, voies ferrées, reliaient l'ensemble des bâtiments, de la plus petite bicoque au Colisée massif. Un réseau au maillage variable dans toutes les directions donnait cette image de toile immense tissée par une araignée mégalomane, imprévisible et frénétique.

Pour en revenir au présent, on pourrait imaginer que la vocation de tous les survivants serait de résoudre le mystère de notre passé. Si c'était partiellement vrai au tout début de ma carrière, rares sont ceux qui ont persisté aussi longtemps que moi. La plupart se sont contentés d'explications simples et confortables et ont enfoui l'interrogation lancinante sous des couches de futilité quotidienne bruyante. Le problème est que, ne sachant pas vraiment ce qui a décimé nos ancêtres, je n'arrive pas à me dire que ça ne se reproduira pas. Et question plus important encore : est-ce que nous pourrions faire en sorte de l'éviter ?
D'y survivre ?

J’ai donc fait la demande auprès des dirigeants de la Chaire d’aller explorer une zone reculée désertée même par les archéologues. Ils sont de plus en plus réticents à nous laisser partir aussi loin, comme si c’était un gaspillage de ressources. Et si ma mission échoue, ce sera pour eu la confirmation définitive de leurs soupçons. Je vais donc faire au mieux pour consigner le déroulement de cette expédition. Nous ne faisons pas de compte-rendu pour les missions de routine, mais cette fois nous aurons de la matière, j'en suis sûr.