July 20, 2020, 6 p.m.

Semés

J'me sens un inverse du ptit Poucet
Qui aurait eu les poches percées
Il aurait ramassé des cailloux
Sur les routes, les fossés, n'importe où
Les gardant précieusement sur lui
Ignorant que le vêtement fuit.

Des cailloux de toutes sortes, datant de l'enfance
Ou de bien plus tard, au fil des errances
De tous les calibres, de matériaux variés
Qu'il avait appris à apprécier.
Le commun des mortel aurait fini par en jeter
Pour rester léger lors de l'expédition,
Éclaircir au fil de la progression...
Mais le Poucet lui ne voudrait que capter.

Parmi ces cailloux égarés, il y aurait les ancestraux,
Héritages familiaux disparus ou tombés
Connus depuis toujours et soudain renversés ;
Retournés sur terre les précieux minéraux.

Les cailloux de l'école, des billes chatoyantes,
Roulant sans s'arrêter, élancées, insouciantes
Qui un jour s'échappent de sa trajectoire,
Trop énergiques pour s'en apercevoir.

Les pierres ciselées de la croissance
Ramassé dans ses mains sans voir les cicatrices
Que certaines de ces lames prédatrices
Auront tracé sur sa conscience.
D'autres grappes bien plus fiables
D'une matière inconnue, d'un éclat incroyable.

Puis des poussières singulières intangibles
Découvertes dans l'air, compagnons invisibles,
Celles dont la soudaine absence
Contraste avec la banale coexistence
Un lien précaire d'un seul fil tissé
Qui inéluctablement finit par s'effacer

Une collection massive construite en autonomie
Bien trop grande pour tenir dans les poches
Amassant ou débordant au fil des insomnies
Un vertigineux tourbillon de roches.
Petit à petit dans ce ballet effréné
Certains fragments reviennent, réguliers, patinés
L'air de rien une décantation bénéfique s'opère
Mais finit par happer des rémanents dans l'appel d'air.


Le jour où le Poucet s'en apercevra
Il ne devra pas regretter ces fuyards parsemés
Mais contempler l'arabesque étincelante que tracera
Le contenu épars de ses poches abîmées.