Sept. 11, 2016, 1:24 p.m.

Épisode 11 : Let me mid plz easy win

J’ai fait une longue pause dans les BBQSQ parce que le matériau de base ne se renouvelait pas vraiment et qu’il peut vite devenir ennuyeux de lire les même remarques blasées sur la solo Q. Jusqu’à ce jour, où mon instinct d’expert des bas fonds du classement a été mis à mal.

Remise en contexte : jamais Or depuis 3 saisons, mais avec toujours la foi, l’espoir naïf que la situation peut un jour changer. Récemment déclassé d’Argent IV à Argent V pour de sombres histoires de défaillance mentale d’un coéquipier. Bref, j’avais réussi à remonter jusqu’aux matchs de promotion avec une auto-victoire de par mon statut d’habitué, de fidèle pilier de comptoir du niveau Argent. En collaboration avec une collègue Silver et un ami Or à elle nous tentons de réussir les placements. Tombons avec une ancienne platine contre des Or. Partie catastrophique abandonnée dans les secondes ayant suivies les 20 minutes réglementaires. Me voici donc « V X – » comme on dit dans le jargon BO3. Ne pouvant tenir face à tant de suspens, je relance une classée en mode barbecue pour sceller le sort de ce « meilleur des trois », sans allié connu, en véritable 1 contre 9.

Dès le début de la phase de bannissement, l’angoisse s’installe. Notre OTP Garen demande que Yorick ne soit pas disponible à la sélection. Personne n’écoute ce conseil pourtant pas absurde, juste basiquement raciste parce qu’il ne connait pas bien le mec d’en face avec sa pelle et qu’il est goulophobe (et il faut avouer que les statistiques lui donnent raison puisque selon op.gg, Yorick est actuellement banni dans 52% des parties de joueurs de niveaux platine et supérieurs, 2e plus détesté après Yasuo). Face à ce déni de service et au bannissement de la 33e plus détestée (Vayne), il enchaine les émoticones de blasitude (-___-) et blasitude transpirante (-__-« ).

Puis après les 6 mises au ban (qui ne se lit pas « banne » mais « banc » bande d’influençables anglophiles), notre supposé tireur nous informe qu’il souhaiterait aller au milieu étant donné qu’il est extrêmement doué avec Veigar, « trust me ». Le joueur théoriquement au milieu lui répond que non il ne cédera pas, étant tout à fait sur de lui également « no, trust me ». Face à toutes ces déclarations de confiance, je me permets d’intervenir en disant « u can trust me too », parce que je sais à quel point il est important d’instaurer un climat de confiance dès le salon. Après cette séance émouvante de confiance offerte multilatérale, tout le monde prend bon gré mal gré le rôle qui la a été affecté, je sélectionne ma vachette support et la partie se lance.

à ce moment et dans un geste de victimisation routinière je lance l’analyseur de compétence qui me donne le résultat fourni en pièce jointe. La statistique de victoire théorique de 42.8% est peu encourageante, mais d’une part c’est loin d’être le pourcentage le plus faible qu’il m’ait été donné de voir au cours de mes pérégrinations dans la faille de l’invocateur, et l’estimation du niveau globale de l’algorithme est d’autre part très approximatif.

En revanche c’est le descriptif des niveaux individuels qui me fait peu à peu perdre ma jovialité de début de partie. Le ratio de victoire de la miss Fortune notamment m’inquiète avec 47 victoires sur 72 parties et son EMA (Éliminations / Morts / Assistances) de 4.5. Le Gragas et la Leona ont l’air compétents bien que pas excessivement terrifiant, mais c’est le kennen qui me fait craindre le pire, avec ses 22 victoires en 26 parties et son KDA de 5.5. Le Wukong a également l’air particulièrement inquiétant avec son score de 3 victoires en 3 parties, pas assez pour en tirer une tendance mais au KDA colossal de 6.5. Alors que mon équipe arbore des scores vacillants, sauf la Diana, non classée, dont aucune information ne transpire de l’analyse.

En voyant également que nous avons en cumulé 250 victoires en classées contre plus de 1000 dans l’équipe d’en face, je me dis qu’une fois de plus notre inexpérience sera la cause de notre perte. Mais qu’importe, puisqu’il semble être écrit que je serai un Argent V toute mon existence, allons embrasser le destin qui nous attend sans plus attendre. En écoutant du Nightwish, pour le côté tragico-épique.

Au fil des minutes, la situation semble bien moins catastrophique que ce que les statistiques prédisaient, mais la Leona réussir à mettre le bazar jusque sur la ligne du milieu sans que nous ne compensions, au grand dam de notre Lux qui le fait savoir fort et clair. Mais nos regroupements sont meilleurs que les leurs, les contrôles de foule permettent de mettre les ennemis rapidement hors de combat, et nous nous acheminons lentement vers ce qui ressemblerait fortement à une victoire.

Jusqu’à ce moment où… Garen nous informe qu’il doit partir très bientôt. Restant sourd aux indications de l’équipe et mon besoin pressant de rentrer à la base me recharger en mana, il désigne la ligne du milieu et nous exhorte à nous y diriger frontalement, négligeant totalement les lignes latérales poussant contre nous. Obligés de suivre ce grand gaillard en armure plutôt bien dans sa partie, nous hissons haut la bannière bleue et marchons résolument vers les ennemis. Arrivé aux portes de la base adverse, le combat s’engage et nous réussissons à éliminer plusieurs membres ennemis. Nous poussons jusqu’au Nexus, nettoyons les ennemis perdus sur le passage et éclatons le Nexus dans une double explosion du plus bel effet. Je réussis à l’aide d’un saut éclair audacieux et talentueux à subtiliser les 50 piécettes offertes pour le dernier coup donné au Nexus.

Tout ça pour dire que, dans ma caverne de désespoir froid et calculateur, trop sûr de savoir déjà que j’allais pouvoir faire une nouvelle entrée au journal des BBQSQ dans la catégorie « échecs cuisants et défaites inévitables », je me suis trompé. J’ai cru les statistiques, j’ai laissé des chiffres décider de ce qui allait se passer. Alors que l’espoir n’était pas mort. Il suffisait simplement de le cueillir au creux de sa main, l’abriter contre vent du doute et de l’incertitude afin qu’il ne s’éteigne pas, et le laisser grandir, prendre de l’ampleur, animant nos volontés d’une flamme intérieure inextinguible. Et que, parfois, la prise de décision importe moins que la cohésion d’une équipe voguant vers son objectif commun, faisant fi de tous obstacles, de toutes tours qui nous tiraient dessus pour tenter sans succès d’égratigner notre invincibilité éclatante. La naïveté aura vaincu.