March 10, 2015, 1:16 p.m.
C’était une après-midi peinarde pourtant. J’étais calé sur les pieds arrières de ma chaise, en pleine sieste, une bière fraiche remplaçant provisoirement Destiny, ma pétoire préférée. Et là un gosse débarque pour me dire qu’on a besoin de moi. Encore. En ce moment c’est la folie, les gens ont l’air d’avoir retrouvé mon adresse au fond de l’annuaire. J’étais repassé dans l’ombre pendant un bout de temps, c’était pas pour me déplaire. Un petit décrassage à l’occasion, pour rendre service, mais en ce moment c’est plus la même. Quasiment à flux tendu. Mais bon, j’y suis, autant assumer. Et je vais pas laisser cette bande de blancs becs faire le boulot à ma place.
Mes collègues d’infortune fleurent la motivation inexpérimentée. Clairement pour eux tout ça, la guerre, la mort, c’est qu’un jeu. Pour ma part je sais que c’est tout au plus une mascarade. Passé trop de temps sur cette fontaine en pierre à voir des soldats aguerris faire face à la cruelle désillusion de la défaite. Certains n’ont pas supporté leur faiblesse et ne reprennent plus du service, ou alors juste parce qu’ils n’ont plus rien d’autre de toute façon. Typiquement Urgot. J’ai jamais aimé ce machin déchiqueté de partout qui marche par une force obscure, mais qu’on vienne pas me dire qu’il manquait d’expérience. Il a l’air de s’être fait rouler dessus par six dynasties successives de Valoran.
Alors le ninja de l’ombre, la policière musclée, le fou dopé au amphets’ qui a pour seul dictionnaire son propre nom, et la prétentieuse au bouclier étincelant, ça me faisait déjà marrer. Comment tu veux te battre avec des baltringues pareils. Surtout que l’armée d’en face était relativement inquiétante. Un roi troll égaré loin de son royaume, un être verdatre avec sa lanterne glauque, une sniper contractuelle, un loup sanguinaire et un torché tout feu tout flamme… j’ai l’impression que ça va encore être à moi de faire le sale boulot si je veux m’en sortir.
La charge de la première vague sonnée, je prends position sur le couloir Sud avec la greluche ensoleillée, stratégie classique. Ironie du sort, je me retrouve en duel contre une représentante de la loi. Un hors-la-loi qui se respecte se doit de la coller au fond, question d’honneur. Du coup j’enlève le cran de sureté de Destiny… Nan je déconne j’aurais jamais mis un truc pareil sur une arme. La demie seconde pour l’enlever, c’est pile le temps nécessaire pour rater un meurtre. Nan je recharge juste le flingue et commence à canarder les sbires ennemis, épaulé de ma collè… Ah non. Bien sûr. J’ai cru un instant que j’allais pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Mais là la rousse sensée me tenir lieu d’acolyte est trop occupée à lustrer son bouclier pour qu’il brille comme au premier rayon de soleil. Parfait. J’ai toujours tout fait tout seul de toute façon, pas de raison que ça change aujourd’hui.
Mais bon là j’avoue qu’une plante verte aurait été aussi efficace. La fille a commencé à bouger, certes. Mais si elle charge une fois par cycle lunaire on est pas rendu. Alors qu’en face le spectre au grappin déconne pas. Il a pas de flingue mais il s’interpose entre moi et ses sbires, une lueur de défiance dans le regard. Il m’a fauché deux fois, j’ai pris quelques égratignures dans l’échauffourée. Alors forcément c’est l’oseille qui en prend un coup. Ah, la policière aux bras mécanisés a l’air motivée pour tenter une agression par surprise sur mes antagonistes. Elle me fait signe discrètement d’engager le combat quand je veux, j’amorce l’échange dans la foulée. Elle charge dans le tas, renversant le gardien de la lanterne. à ce moment la rousse se décide enfin à charger à son tour, probablement réveillée par le fracas des bras motorisés de l’autre. Mais la flic d’en face a balancé un filet de calibre 90 pour se tailler dès qu’elle a senti le coup fourré. Aucun honneur. Et là, la rousse ne se sent plus, elle continue à charger les ennemis dans des tentatives désespérées et dangereuses. Pitoyable. La boxeuse croise mon regard, je lis la même incrédulité dans ses yeux face à tant d’inaptitude.
La fille du soleil a l’air d’avoir pris une sacrée insolation… Avec qui ils m’ont encore fourré cette fois. Ils ont toujours pas compris que mon fonctionnement c’est dans l’action ? J’ai déjà eu des emmerdes avec un moustachu mou du bulbe qui avait l’air de préférer l’élevage de poros au combat… Nan mais je sais bien qu’Ils m’ont pas à la bonne, faut dire qu’à force de leur dire les choses en face ça finit par jaser dans les chaumières. Alors ils se vengent. C’est de bonne guerre je suppose. Bref, faut que je me reconcentre. Je me replie sous ma tour pour rentrer à la base acheter un peu d’équipement histoire de défoncer ces insolents qui se mettent sur mon chemin.
Une fois revenu défendre l’avant-poste, la situation devient difficile. Parce que j’adore ma pétoire, mais faut bien reconnaitre qu’elle tient pas la distance face à un fusil de sniper longue portée. Alors je galère sous ma tour alors que l’autre à côté continue d’être imprévisible et inefficace. Même pas capable de m’aider à achever les sbires correctement. On donne la licence d’accès à la Faille de l’Invocateur à n’importe qui de nos jours. En plus je suis sur que cte procédure est décrite dans tous les bouquins de soutien. Mais c’est encore trop en demander. La fille au gros bras revient, on y retourne. Sauf que cette fois y’a un loup dégénéré qui nous saute dessus et balance des coups de griffe dans tous les sens. Je me mets à courir vers l’avant-poste, me prends le pied dans un piège à Yordle qui trainait par là et rampe vers la tour en me maudissant pour cette négligence caractérisée. La sniper commence à m’aligner, je sais que je vais me manger un calibre .500 chemisé entre les yeux. Et d’un coup, une grande lumière. Rouge. Non je n’ai pas été descendu, c’est juste la téléportation inopinée du roi troll, qui abat son gourdin de glace sur ma tronche. La dernière chose qui me traverse l’esprit (avant sa massue bien sûr) est que c’est bien joué de voler la vedette à la flic pour ma descente. Respect le troll, j’avais déjà vu des charognards sauter en éclair pour achever un mec déjà mort, mais le timing parfait pour achever à coup de téléportation on me l’avait jamais fait.
Je respecte le geste du roi troll mais j’ai vais quand même devoir lui perforer la panse pour lui montrer que je suis pas le genre de mecs qu’on gourdine impunément. Un minimum de respect est à observer. Allons donc lui apprendre la diplomatie de la gatling. Ça tombe bien, le rassemblement est sonné pour descendre un dragon endormi sur le côté septentrional de la Rivière.
Faudra qu’on m’explique à l’occasion ce qu’un lézard cracheur de feu fait dans une région aussi humide. J’ai pas fait cryptozoologie à l’école mais ça ressemble à s’y méprendre à du foutage de gueule. Une mascarade j’vous disais. Quoiqu’il en soit on s’en va le refroidir vite fait bien fait. Il roupille au moment où on débarque. Seulement voilà, les ennemis aussi ont flairé une occasion de faire parler d’eux, et on se retrouve à s’échanger les politesses pour savoir qui se fera prendre en tenaille entre le cracheur de feu et l’ennemi. Ça pétarade dans les deux sens, des shuriken, des lances, des couperets, des balles et des boules de feu qui se baladent à côté des oreilles atrophiées du dragon, mais la bestiole bouge pas d’un iota. Jamais vu un sommeil aussi lourd. À un moment la sniper adverse prend un peu trop de temps pour ajuster son tir, et l’ombre d’un ninja se forme devant elle, grossie par la lunette du fusil. C’est probablement la dernière chose qu’elle a vu avant de lâcher son arme et de s’écrouler au sol.
Le reste de l’armée adverse est en déroute. L’homme-torche, gourd, paniqué et à la traine, se prend un coup de bouclier lustré sur le crâne et décède peu après. Je me retourne vers le cracheur de feu et le tire de son sommeil par un coup de chevrotine dans les naseaux. Ça sent le cramé, c’était pas forcément l’idée du siècle. Mais pas grave, avec le renfort des bleusailles je finis la bête sans trop d’embrouilles. Le marchand local, pour me remercier d’avoir libéré la zone de cet animal encombrant, me fait une ristourne sur la lame d’inf, terme technique pour dire que mes nouvelles balles font vachement très beaucoup plus mal. Ça va saigner.
La stratégie discutée avec les partenaires est simple : on passe tout droit en bousillant tout ennemi ou bâtiment sur le passage jusqu’à péter le centre névralgique de la base adverse. Un plan comme je les aime : simple, efficace, et surtout facile à retenir. Je dois avouer qu’avec un peu d’équipement ils commencent presque à ressembler à quelque chose les autres du groupe. Et le ninja a fait un travail décent, le chemin est déjà en partie déblayé. Pas de signe de vie des ennemis, ça sent le piège à plein nez. Mais on s’en fout, on a pas le temps pour ces digressions.
On arrive au pied d’une tour ennemie qui se met à tirer sur les sbires. On décide de la péter consciencieusement, et c’est alors qu’ils arrivent. Ils nous flanquaient, attendant le moment où on serait les plus vulnérables, sans possibilité de repli. Le souci c’est qu’ils me connaissent mal. Pas besoin de me replier. J’enclenche le flingue et me lance à la suite de la rousse qui fout des coups de boucliers dans tous les sens sans vraiment réfléchir à qui viser. Un peu brouillon mais au moins elle me donne la diversion nécessaire pour foncer dans la mêlée et lâcher un bon coup de tromblon sur tout ce qui bouge. Notamment la sniper qui avait l’air toute perdue au milieu des combattants. Désolé ma petite mais tu fais pas le poids face à un truand comme moi. Quand t’auras appris qu’un sniper est sensé descendre les ennemis à distance on reparlera.
L’issue du combat est un carnage. On doit déclarer une mort chez nous dans le tas, la fille aux bras mécaniques. Je dois reconnaitre qu’elle a fait du bon boulot et que sa mort a servi l’armée, puisqu’en face 3 gradés sont tombés. Les survivants se sont planqués derrière leur tour. Échange verbal rapide, on s’accorde pour forcer la tour Nord puisque le milieu est défendu. On s’enfonce dans la jungle, slalomant entre les hautes herbes. On nettoie la zone de toutes les créatures dangereuses et commence à voir le sentier Ouest-Est ainsi que la tour à démolir au fond.Le temps d’y arriver, les ennemis sont à nouveau en position. C’est alors qu’un hurlement retentit. Le loup adverse a flairé l’odeur des blessés. Notre guerrière du soleil notamment a plusieurs plaies ouvertes, pas sur qu’elle survive à un nouveau combat.
Un grappin accroche l’épaule du ninja, et c’est l’apocalypse. Je n’arrive pas à voir tout ce qui se passe autour de moi, je me repositionne vite fait en retrait des combattants pour pouvoir distribuer mes coups équitablement, sans discrimination. Le roi troll a fait apparaitre une colonne de glace pour bloquer la retraite, le loup sorti des broussailles a sauté sur la rousse, le mec à la lanterne a sauté sur le ninja. Ah et la snipeur a voulu sauter sur moi. Elle s’est assez vite rendu compte de son erreur quand je lui ai vidé un chargeur dans le ventre. Une fois sorti de mon combat singulier somme toute assez rapide, je fais les comptes et vois avec surprise que personne de notre armée n’est mort, alors qu’en face seul le troll a survécu. Faut croire que mes coéquipiers étaient moins nul que ce que j’avais estimé.
Face à une défense défiante mais définitivement défaillante, nous détruisons les bâtiments adverses et arrivons au nexus. Les ennemis reviennent tenter de défendre désespérément la source d’énergie, mais on me la fait pas. Je m’éloigne des antagonistes et démantèle méthodiquement, sans scrupule, le bâtiment central. La bataille est gagnée. Hochement de tête aux comparses d’infortune en guise de salutation, y’a pas à dire ils ont été efficaces. Mais pas le temps de m’éterniser, j’ai une bière qui réchauffe.
Malcolm G.
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