July 11, 2019, 8:40 a.m., by Lem
Je m'en suis rendu compte en développement logiciel : il arrive souvent que les choix superficiels ou passages précipités aient des répercussions négatives (aussi appelées "vulnérabilités" voire "sale gros bug" par la profession). Parfois immédiates, alors on réagit et on essaye d'apprendre de ces erreurs. Parfois elles restent longtemps invisibles, et lorsqu'elles éclatent l'impact peut être majeur et difficile à corriger, voire avec des effets irréversibles.
Beaucoup de monde considère à tort que le reste de l'existence fonctionne différemment. Pire encore, s'est implantée l'illusion que nos actions n'avaient pas d'impact, par un principe magique de dilution devant l'immensité de l'environnement et peut-être une sorte de prise de conscience de la petitesse d'un individu dans la masse d'humains. Et cette illusion d'absence de conséquence des actes avait, a toujours quelque chose de jubilatoire, d'enivrant. On se dit que l'on est totalement libre de faire ce que l'on veut sans se prendre la tête.
Sauf que cette illusion ne peut pas persister indéfiniment. Certains se prennent la réalité en pleine face, malheureusement ce n'est pas systématiquement les générateur de trouble mais plutôt les plus vulnérables qui payent un tribut très lourd.
Il est très difficile de qualifier et encore plus de quantifier l'impact que l'on peut avoir par nos actions (individuelles et collectives) sur le reste du système planétaire. On met parfois des années, des siècles à se rendre compte de l'impact délétère de produits ou de méthodes (à des niveaux très différents on peut citer la suppression des arbres en milieu urbain et agricole, l'utilisation du chlordécone...), et lorsque l'on s'en rend compte ils sont déjà largement implantés et difficiles à remplacer, et encore plus difficile sinon impossible devient la réparation des problèmes engendrés.
Ceci n'est pas un éloge aveugle au principe de précaution ou à l'immobilisme, mais en tout cas il y a un manque majeur de recul et d'analyse d'impact sérieuse dans beaucoup de décisions aussi bien individuelles que politiques. La démarche d'analyse ne prémunit pas contre les effet de bord néfastes, ce qui ne la rend pas moins légitime, au contraire. On fait déjà assez de conneries quand on fait gaffe, autant ne pas aggraver la situation.
C'est un article sur la découverte d'un nouveau type de polluant qui m'a amené à cette réflexion : il y a encore beaucoup de zones problématiques dont on n'a pas encore connaissance, on ne peut pas faire une feuille de route de transition durable qui ignore le fait qu'on aura de nouveaux problèmes majeurs, inconnus aujourd'hui, à gérer dans les décennies à venir. L'effort à déployer pour limiter les dégâts du dernier siècle et de l'actuel est sans doute largement sous-estimé.
Comme pour le développement logiciel, le problème est lié à l'absence d'indice perceptible pour nous montrer la connerie que l'on est en train de faire. Beaucoup de catastrophes sont muettes : fuites colossales d'eau potable ou à l'inverse d'essence, loin de tout regard humain. Tout bêtement, on aurait une perception beaucoup plus spontanée et intuitive des problèmes de pollution urbaine si les gaz d'échappement n'étaient pas transparents. L'odeur peut être un indice mais qui n'interpelle que quand on est dedans. La vision permet d'acquérir une perception tri-dimensionnelle du problème. De façon similaire, si on avait une vision thermique on se rendrait sans doute compte de toutes les passoires thermiques qui nous tiennent lieu de bâtiments, donnant une perception du gâchis énergétique qui a lieu.
Et même pour les indices qu'on pourrait percevoir, la technologie a réussi à en masquer beaucoup, parce que ce sont souvent aussi des nuisances. En les masquant cela améliore le confort mais nous rendant aveugle sur beaucoup d'aspects cruciaux.
Dans tous les aspects du quotidien un vernis a été appliqué qui rend l'existence plus tranquille : la production alimentaire arrive conditionnée, totalement décorrélée des conditions d'élevage ou de culture. La gestion des déchets est déléguée : le citoyen lambda sort sa poubelle et n'a aucune idée de ce qu'il advient des déchets une fois le camion poubelle passé.
Il vide les liquides résiduels dans l'évier sans se rendre compte de la gueule/odeur que ça peut donner à l'eau.
Tout juste râle-t-il contre le transporteur si son colis acheté sur un site et arrivé de l'autre bout du monde est tassé dans la boite au lettre, sans possibilité de se rendre compte du chemin effectué.
De façon très similaire il est très difficile de mesurer l'impact que peut avoir le streaming étant donné que c'est géré de manière totalement transparente pour l'utilisateur : face à son écran il ne peut pas mesurer ce qui se passe derrière, les systèmes de refroidissements de fermes de serveurs immenses par exemple.
La vie en communauté implique de déléguer des tâches, d'accepter de ne pas contrôler l'ensemble de la chaîne des effets. Mais le système actuel a rendu opaque (pas forcément inaccessible, juste plus compliqué à percevoir) les processus et conséquences peu attrayants de nos modes de vie. Il y a nécessité de réduire certains effets de façade pour que le citoyen soit à même de voir les impacts de son mode de vie. Pas de question de culpabilisation, simplement de prise de conscience lucide.
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